Camille Clément

Institution Agropolis Fondation
Ma fonction et/ou mon métier et/ou mon sujet de recherche Chargée de mission scientifique
Participerez-vous au séminaire de Rabat ? Oui
Que représentent pour vous les Sciences de la Durabilité ? C'est un "nouveau" (quand même une dizaine d'années d'existence il me semble) champ de recherche qui semble incontournable pour deux raisons : 1) aborder les nexus, c'est à dire les interactions positives et négatives, entre les ODDs, 2) favoriser, revaloriser les approches inter ou trans disciplinaire.
La recherche ne peut plus aujourd'hui passer outre les problématiques mondiales de changements globaux et, pour cela il y a nécessité de faire travailler les disciplines ensemble.
Quelles interactions voyez vous apparaître entre les enjeux liés entre la Consommation et de production durables - ceux de la Biodiversité- et ceux de l'Eau, en terme de connaissances, négociations internationales, politique publiques ....? Le principal enjeu c'est que ces interactions peuvent être positive, par exemple l'agrobiodiversité qui peut être utilisé en même temps pour améliorer le fonctionnement d'exploitation et renforcer la biodiversité cultivée, mais aussi négative, par exemple des politiques de reboisement qui améliorent le stockage du carbone mais qui ne favorise que quelques espèces et réduit la biodiversité. Il est donc nécessaire d'identifier et de qualifier ces nexus, de prendre conscience des nexus négatifs des formes d'injustices environnementales, d'interdiction d'accès, de green grabbing. Il ne faut pas être crédule puis il faut essayer de valoriser les interactions positives et les faire remonter / connaitre pour qu'elles puissent être reprises dans des politiques publiques (notamment au sein de négociations internationales). L'idée est alors, idéalement, d'avoir un accord sur une voix collective (française?) et d'atteindre une certaine cohérence (encore beaucoup de travail).
Quelles types d’actions (formation, projets...) pourraient être mis en place autour de ces interactions et avec quelles stratégies à déployer ? Du côté d'Agropolis Fondation, l'idée est d'apporter plusieurs formes d'actions. 1) nous sommes une fondation, nous pouvons donc financer des projets, monter et coordonner des AAP orientés sur ces questions. Aujourd'hui nous sommes en train de construire notre nouvelle programmation (Labex 2) et l'objectif serait de l'organiser autour de ces enjeux d'ODDs et de nexus. 2) en tant que fondation nous pouvons également avoir un effet levier en donnant un premier financement qui permet d'en acquérir d'autres. Nous avons également un réseau de partenaires, d'autres fondations, qui peuvent co-porter des projets (exemple de l'AAP CO3). 3) Nous avons aussi, au contraire d'autres fondations, une équipe opérationnelle capable de suivre et d'accompagner des projets scientifiques complexes et mettant en jeu ces nexus et du transdisciplinaire. C'est cette capacité d'accompagnement qui a été mise en avant dans le projet One Planet Fellowship que nous encadrons. 4) et c'est certainement le point le plus important, nous ne voulons pas être qu'un guichet de financement. Nous sommes finalement une petite fondation avec peu de moyens propres. Par contre nous avons une vraie capacité à pouvoir mobiliser une communauté de 41 unités de recherche et plus de 1500 chercheurs permanents sur des sujets importants (dont ceux-ci). Nous avons lancé une animation scientifique permanente pour faire remonter des thématiques d'ampleur et travailler en grande proximité avec cette communauté. Nous voulons pérenniser cette animation et faire en sorte qu'elle s'approprie ces approches par la sustainability science.
Quels sont les besoins (connaissances, appui technique, financier...) pour mettre ne œuvre ces activités autour de ces interactions ? Agropolis Fondation peut mettre à disposition un appui en termes 1) de connaissance, en mobilisant la communauté scientifique du Labex Agro, 2) de finances, 3) d'accompagnement de projets grâce à une équipe opérationnelle renforcée, soumise à la démarche qualité (ISO 9001). L'objectif en participant à ce type d'atelier est de mettre en avant nos missions, nos valeurs et la construction de notre nouvelle programmation.
Comment les intégrer dans un agenda international de la Biodiversité, notamment en terme d’objectifs dans la dynamique Post 2020-Aichi, mais aussi de recherche ou de développement ? Selon nous c'est à nous autant qu'aux chercheurs de s'inscrire dans cet agenda international. Nous avec notre programmation qui peut être mis en lien avec cet agenda ou avec les partenariats avec les autres fondations avec qui nous montons des partenariats que nous pouvons construire en lien avec cet agenda (lancement conjoint d'un AAP par exemple). La principale difficulté que nous rencontrons sur ce sujet est la difficulté à fédérer nos chercheurs sur des approches de ce types très transdisciplinaire quand l'évaluation et la sélection (recrutement) des chercheurs se fait principalement sur l'excellence scientifique la plupart du temps mono-disciplinaire. Nous avons une grosse ambition de favoriser des projets qui abordent ces enjeux mais l'ensemble de la communauté scientifique ne comprend pas ces enjeux et cette approche et souhaite plutôt réaliser le même types de recherche que ce qu'ils font actuellement.
Quelles sont pour vous les échelles pertinentes ou légitimes (local au global) et les arènes politiques ou scientifiques (agenda Recherche, agenda politique…) pour promouvoir ces activités ? Toutes les échelles sont pertinentes! du côté d'Agropolis Fondation la force que nous avons est d'avoir un ancrage local : une communauté scientifique basée à Montpellier mais qui a de fortes connexions à l'international et notamment avec les pays méditerranéens et du sud. L'enjeu principal est dans l'articulation de ces échelles entre différents niveaux (faire travailler le local avec le global et vice versa) que dans l'articulation entre ces niveaux d'échelles tant au niveau local (exemple faire mieux travailler ensemble les différentes plateformes d'essais, les sites ateliers, problème que notre communauté a bien identifié dans les ateliers d'animation) qu'au niveau global (faire travailler ensemble différents gouvernements).
Avez des exemples approches / modes de production performants à la fois sur le plan économique et sur le plan environnemental ? Premièrement, pourquoi parler de modes de production performants que sur les plans économique et environnemental et pas social? Il me semble y avoir un vrai biais dans la question. Sinon, Agropolis fondation a financé un certains nombre de projets mettant en avant des approches / modes de productions pouvant être qualifié de performant je résumerais ces travaux en six groupes : 1) les approches / modes de productions basés sur l'agrobiodiversité avec i) la mise en avant de la diversité cultivée par exemple pour s'adapter au changement climatique ou aux aléas du marché, ii) les collaborations entre la recherche et les agriculteurs / paysans de terrain sur la sélection en faisant de la sélection participative ou en mettant à disposition des banques de graines. 2) les approches / modes de production basés sur la qualification des produits tant au nord qu'au sud. 3) Les approches / modes de production basés sur l'agroforesterie et ses différentes composantes. 4) Les approches / modes de production basés sur la revalorisation des jardins collectifs et individuels ou nord ou au sud qui permettent aux populations de se reconnecter à leur alimentation et d'améliorer leur santé. 5) Les approches / modes de production basés sur un renouveau du travail du sol et du stockage de carbone dans le sol, sur les symbioses racinaires etc. 6) les approches / modes de production basés sur une cogestion entre cultivé et sauvage comme l'exemple de l'exploitation co-géré de la mangrove dans certains territoires (même si conscience que ça ne marche pas toujours bien).
Avez vous des attentes particulières vis à vis des autres participants et aussi de cet atelier ? Mes attentes sont principalement de les rencontrer, de comprendre leurs champs d'action et leurs objectifs, leurs perceptions de ces ODDs et de leurs nexus, de la nécessité de la transdisciplinarité. Pourvoir échanger nos points de vue, nos expériences y compris avec les chercheurs et sur cette question sensible de parvenir à monter et suivre des projets de recherche transdisciplinaires. Puis peut être aller au delà pour construire ensemble un cadre commun, faire des ponts pourquoi pas des actions / objectifs / projets en commun? ou, plus modestement, au moins se construire un cadre commun pour que nos actions aillent dans le même sens. Il y a aussi un vrai enjeu de préparer collectivement l'agenda politique où nous voudrions (Agropolis Fondation) valoriser les apports de notre communauté de chercheurs dans ce domaine. Mettre en synergie nos actions.