Pascal Handschumacher

Institution IRD
Ma fonction et/ou mon métier et/ou mon sujet de recherche Géographe de la santé à l'UMR SESSTIM. Ma thématique de travail est essentiellement centrée sur l'étude de la production des inégalités socio-spatiales de santé à travers l'étude de modèles épidémiologiques spécifiques, aussi bien en milieu ruraux qu'urbains. Ces thématique et modèles ont été développés depuis le début de mon activité professionnelle dans le cadre d'équipes interdisciplinaires associant sciences sociales, biologiques et de la santé. Les terrains d'activités sont majoritairement africains, notamment Sénégal et Madagascar, jusqu'à aujourd'hui mais s'accompagnent d'études réalisées en Asie (émergence et diffusion des souches résistantes de Plasmodium au Cambodge) et en Amérique Latine : la dengue en milieu urbain en Bolivie et l'inégale exposition des populations amazoniennes au mercure en Bolivie ; actuellement, les arboviroses dues aux aedes dans le Distrito Federal (Brasilia)
Participerez-vous au séminaire de Montpellier ? Non
Ville Strasbourg / Marseille
Que représentent pour vous les Sciences de la Durabilité ? Il me semble qu'il s'agit d'un champ doté d'une forte dimension black box au sein duquel se bousculent à la fois des connaissances et des méthodes d'origines scientifiques multiples, des visions du monde voire des opinions, des enjeux sociétaux. Les sciences de la durabilité semblent répondre à des préoccupations fortement marquées par les origines scientifiques de ceux qui s'en réclament et apparaissent ainsi comme une démarche collective en cours de construction et de définition à partir de questionnements spécifiques mis au profit d'une "cause" commune. Science en cours de composition par la recomposition d'autres sciences au profit d'une demande sociale et politique et d'une adaptation à l'évolution des enjeux. Il me semble que l'on observe à travers l'essor de ce que l'on appelle les sciences de la durabilité, à la même recomposition que celle que l'on a observé à l'occasion de l'émergence d'un foisonnement de découvertes entre la seconde moitié du XIXème siècle et la première du XXème, qui a conduit à la recomposition des limites et des champs couverts par les différentes sciences académiques au regard des nouvelles connaissances. Sauf que dans le cas des sciences de la durabilité, les enjeux et les méthodes semblent prendre le dessus dans le processus en cours d'articulation des connaissances. C'est peut-être une forme d'interdisciplinarité institutionnelle qui est en train de se mettre en place.
Quels sont pour vous les principaux enjeux liés sur les interactions Santé Climat Environnement ? Séparer le climat de l'environnement me semble être une erreur stratégique d'un point de vue scientifique sauf à vouloir surfer sur des possibilités de financement et de soutien institutionnel. Séparer les deux, c'est séparer le tout et le particulier et sauf à vouloir souligner qu'il y a des sujets cruciaux dans l'étude des relations environnement et santé à aborder selon un angle particulier, c'est nier la dimension systémique des processus. Comprendre l'impact des phénomènes El ninõ sur les maladies à transmission vectorielle sans prendre en compte les contextes, les modes d'habitat et d'habiter, les mobilités, c'est se condamner une fois de plus à répéter que les extrêmes climatiques peuvent conduire à des conséquences désastreuses en matière de maladies infectieuses et parasitaires. En revanche montrer comment l'impact climatique se manifeste de manière inégale selon les "contextes" (pour aller vite), c'est se donner les moyens de comprendre le fonctionnement des systèmes pathogènes, de hiérarchiser les déterminants et de dégager des priorités d'action par delà les discours généraux qui sont majoritairement tenus.
Quelles types d’actions (formation, projets, plaidoyer...) pourraient être mis en place autour de ces interactions ? Le plaidoyer est à la mode et pet constituer un outil important de passage entre les scientifiques et les acteurs. Une cellule dédiée à cela au sein de l'IRD pourrait être utile car compensant la maladresse de nombreux scientifiques (je me compte dans le lot) à faire passer le message au delà de la sphère scientifique.
Les formations, non pas nécessairement à l'interdisciplinarité comme nouvelle discipline (c'est un très vieux débat, relire les Passeurs de frontière, M. Jollivet) mais à montrer les contributions positives d'interactions scientifiques dans la compréhension de processus complexes et y adjoindre bien sur les science de la modélisation qui vont avoir un rôle majeur à jouer en lien direct avec les producteurs de données et de connaissances de terrain. Croiser au sein de projet des compétences complémentaires, je pense notamment au champ majeur qui peut s'ouvrir entre spécialistes de la génétique des populations et géographes dans la compréhension des processus de diffusion / Propagation des phénomènes épidémiologiques. Avoir ainsi des terrains ateliers qui peuvent servir à la fois à l'approfondissement et la production de connaissances et à la formation (y compris la formation de formateurs) serait un plus et un gage de visibilité de notre action dans le champ de la durabilité.
Quelles stratégies à déployer pour mettre en œuvre ces actions et autres de quels acteurs (politiques, développement, local , régional, régional…) ? La recherche - action en complément de la recherche menée habituellement est un levier puissant pour s'investir dans la valorisation du travail mais aussi participer de manière itérative à la production de connaissances dans l'action en train de se faire.
Forte implication auprès des acteurs politiques et de développement mais sans devenir un instrument de validation de politiques !
Faire des acteurs des participants à la recherche. Toute relation de sujétion serait bien sur totalement contre productive que ce soit dans un sens ou dans l'autre.
Quels sont les besoins (connaissances, appui technique, financier...) pour mettre en œuvre ces activités autour de ces interactions ? - Une politique identifiant de façon claire des priorités non pas en termes généraux d'ODD qui sont tellement vastes que tout le monde trouve toujours à les caler quelque part dans la justification de son programme de recherche, mais autour de questions scientifiques engendrées par l'expression d'enjeux sociétaux ancrés dans les scenarii les plus probables de développement et/ ou de transformation de nos environnements et de nos sociétés.
- Bien sur une affectation de crédits permettant d'initier des recherches quitte à ne permettre que le démarrage avec demandes ultérieures auprès des grands bailleurs de fonds. Pourquoi ne pas revisiter la politique des ACI pour mettre le pied à l'étrier de programmes jugés phares collectivement dans la constitution d'une communauté scientifique autour des questions évoquées ici.
-Recruter du personnel de recherche qui passerait obligatoirement par ces sites ateliers avant toute affectation dans les programmes de recherche autres.
Avez vous des retours d’expérience de projets/activités autour de ce nexus ? Revoir tous les grands programmes historiques de l'ORSTOM / IRD : Programme Onchocercose et programme THA (BF et RCI) ;Programme urbanisation et santé (Sénégal, Congo) ; programme Eau et Santé dans les contextes de Développement (Sénégal - Cameroun) ; programme Environnement et Santé à Madagascar
Quelles sont pour vous les nouvelles connaissances à acquérir associées à ce nexus ? - Les questions de génétique des populations aussi bien de vecteurs que de parasites ou virus,
- l'identification des trous noirs épidémiologiques et du maintien des endémies en basse saison de transmission
- La prise en charge des populations par les multiples offres de soins
- L'urbanisation et ses enjeux en matière de santé
- La production des résistances
Avez vous des attentes particulières vis à vis des autres participants et aussi de cet atelier ? Ne pouvant malheureusement être présent, j'attends de lire les conclusions de cet atelier mais il me semble qu'il faut absolument éviter de réinventer la roue et de s'inspirer de tous ces travaux de nos anciens qui étaient inscrits dans cette approche.
Il serait bon de se mobiliser collectivement autour de la construction de sites ateliers permettant d'INVENTER des programmes originaux en termes de co-construction disciplinaire, d'adaptation des outils et méthodes aux différents participants, aux différentes échelles (in ex. discuter de l'intérêt d'un dialogue entre généticiens des populations et géographes pour croiser les questionnements) sur des questions phares qui seront identifiées par le travail en cours, mais aussi proposer un programme de formation IRD mettant en musique les multiples connaissances et approches que nous sommes peu nombreux dans le monde à avoir en commun à une telle échelle.
Autres remarques Bonne réunion, de tout cœur avec vous. Ecrit rapidement donc désolé pour d'éventuelles coquilles